Le visage malmené par le vent, les lèvres gercées, les mains abimées et recroquevillées sur un morceau de bois mort, l'enfant peinait à avancer dans la neige qui l'avalait à chaque nouveau pas qu'il faisait. La tête baissée, on distinguait à peine les traits de son visage, dissimulé par la capuche d'une cape usée et bien trop grande pour sa frêle carrure. Également vêtu ce qu'on appelait à l'époque une culotte courte - trouée - et d'une chemise tachée, un seul regard en sa direction suffisait à deviner les rudes conditions dans lesquels il vivait. Ce n'est que s'en approchant qu'on percevait qu'un murmure aigu s'échapper de sa bouche, permettant alors de déduire qu'il s'agissait non pas d'un garçon mais d'une fillette. Cette dernière répétait sans cesse avec conviction le même mot, un mot incompréhensible pour les moldus qui l'entouraient. ❝ Incendio ! Incendio ! Incen... ❞ Elle savait pertinemment qu'aucune flamme ne s'échapperait de la branche qu'elle tenait entre ses mains mais c'était l'unique chose qui lui permettait de continuer, de ne pas penser au froid qui engourdissait peu à peu ses membres.
La seule chose qui lui permettait d'avancer, c'était son père : un homme humble, étonnement doux que jamais on aurait imaginé dans les mêmes draps que le monstre qui régnait d'une main de maître sur Durmstrang. C'était lui qui avait taillé le semblant de baguette sur lequel elle se concentrait. Devant les yeux émerveillées de sa fille qui l'observait s'atteler au travail, il prétendit utiliser le bois d'un cerisier - soit disant représentatif de sa gentillesse - et la plume d'un hypogriffe, pour sa force de caractère. (Natalia fit alors semblant de ne pas remarquer, un peu plus loin sur la table, le poulet déplumé que son père avait ramené quelques heures plutôt.) Du bout de sa propre baguette magique s'échappa un filet blanchâtre qu'il déposa sur le morceau qu'il venait de finir de tailler avant qu'il ne la lui offre, un grand sourire aux lèvres. ❝ Et voilà, ta première baguette magique. Prends en bien soin. ❞ La fille la lui prit des mains et se mit ensuite à l'agiter dans toutes les sens, en marmonnant tout un tas de formules magiques qu'elle avait entendu son père prononcer, sans pour autant avoir la moindre idée de ce qu'ils pourraient bien faire. Loin d'être crédule, elle s'était prise au jeu… Son père étant bien trop pauvre pour lui offrir ce que désirait toutes les petites filles de son âge, ils avaient l'habitude de faire semblant… « Et si on disait qu'on était riche ? Qu'on a un hiboux ? Que maman n'est pas morte ? »
Avec des si, on mettrait Paris en bouteille et ces deux là s'en sont chargés. Dans leur petit monde, tout était possible… Y compris faire fondre de la neige avec des flammes qui s'échapperaient d'une fausse baguette. Elle finit par abandonner après une bonne demie-heure, se sachant bientôt arriver à ce qui lui servait de maison. A la place de la charpente qui abritait normalement les gens se dressait un mas sur lequel était savamment posé un long morceau de tissu délavé. Les tentes sorcières n'avaient pas l'allure design qu'on leur connait de nos jours, ainsi, il devait à l'époque se contenter d'un extérieur rebutant. Tout comme une certaine cabine bleue qui voyage à travers le temps et l'espace, l'habitat était bien plus grand à l'intérieur qu'il n'en avait l'air. Là où on imaginait un petit mètre carré d'herbe émergeait un salon, accompagné d'une partie cuisine ainsi qu'une chambre, celle de Natalia, son père lui dormait sur le canapé. Trop pauvres pour pouvoir bénéficier d'une bâtisse assez grande pour y vivre confortablement, elle et son père préféraient vivre à la façon des indiens, enfin, c'est ce qu'elle se plaisait à dire aux autres enfants qui la questionnaient.
Seulement, cette fois-ci, au lieu de sentir la chouette caramélisé, ce fut une odeur de cramer qui indiqua à la fillette qu'il était temps de lever la tête. Impuissante, elle vit la tente dans laquelle elle avait passé son enfance en flamme. Elle s'avança dangereusement en direction du tissu en lambeau, le cœur serré. Priant de toutes ses forces pour que son père soit parti chasser, elle s'approcha suffisamment pour apercevoir l'évènement le plus traumatisant qui soit : son père, gisant sur le sol, le corps en flamme. Elle allait se jeter dessus quand le mas qui supportait la tente se brisa, la séparant à jamais de la seule famille qui lui restait. En effet, d'après ce qu'on lui avait conté, elle aurait causé la mort de sa mère en venant au monde, évènement pour lequel elle continuait encore à culpabiliser.
L'espace d'un instant, elle crut en être la cause : les sorciers de premier cycles n'ayant pas pour habitude de contrôler leurs dons, elle aurait pu très bien avoir causé l'incendie sans l'avoir voulu. L'idée d'avoir causé une nouvelle mort, celle de son père, lui laissa un goût amer en bouche, alors que des larmes ruisselaient sur son visage. Cependant, son œil fut attiré par plusieurs silhouettes. Aussitôt la tristesse fut chassée par la colère et elle s'empressa de suivre mais qui finirent par la distancer. Il ne fallut que quelques instants pour les identifier, il s'agit de moldus, ceux du village, ceux qui les dévisageaient à chaque fois qu'ils osaient marcher dans la rue, ceux qui depuis leur arrivée les suspecter d'être d'horribles sorciers. Dans l'incapacité d'agir, elle revint alors vers le feu, l'observant jusqu'à ce que la neige ait raison de lui. Cette nuit-là resta sans doute la plus longue qu'elle est connue. Les larmes continuant à couler, elle n'était parvenue à fermer l’œil, hantée par la dernière vision qu'elle avait eu de son père.

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